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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 15:11

 

Cécile, aujourd'hui âgée de 25 ans, avait depuis fort longtemps enfoui les mauvais souvenirs qu'elle avait des agissements de son grand-père lorsqu'elle avait cinq ans.

Et puis, il y a deux ans de cela, sa soeur à une conversation avec elle. Elle expliquait que leur tante avait dénoncé des faits d'inceste dont elle avait été victime par son propre père. C'est à ce moment que Cécile a vu rejaillir en elle ces événements qu'elle avait vécu et dont elle ne savait plus s'ils étaient réels ou imaginaires.

Petit à petit, la triste réalité est venue envahir ses pensées. Comme une évidence, elle est allée porter plainte, comme l'a d'ailleurs fait sa cousine, victimes des mêmes faits.

Comme à l'accoutumée, le vieux Monsieur a nié les faits, arguant  d'un complot organisé par son propre fils pour des raisons financières occultes que personne, sauf lui, n'arrive à comprendre.

Les thèses étaient à ce point antinomique que le juge décida d'organiser une confrontation.

J'ai donc accompagné ce matin Cécile, revenu spécialement d'Australie pour cette confrontation avec celui qui a été son grand-père.

Le grand-père est arrivé avec dans les mains toutes les cartes postales que Cécile avait pu lui écrire depuis sa plus tendre enfance, chaque fois qu'elle partait en vacances. C'était pour lui un argument massue. On n'écrit pas à son violeur dit-il !

Et Cécile d'expliquer tranquillement au juge d'instruction qu'elle avait tout simplement occulté ces faits, qu'elle préférait penser qu'elle les avait rêvés et non pas vécus. Qu'elle n'en avait jamais parlé à personne et que par voie de conséquence, elle agissait vis-à-vis de son grand-père comme si rien ne s'était jamais passé. Il aura fallu l'intervention de sa sœur et les révélations de sa tante pour que la vérité ressurgisse à la surface de sa conscience.

Elle a bien évidemment maintenu les accusations qu'elle porte à l'encontre de ce vieux Monsieur. Il est, dans sa défense, pathétique et dérisoire.

Plus de 20 ans après les faits, à l'évocation de ces derniers, j'ai vu Cécile une nouvelle fois en quelque sorte régresser, se retrouver à l'âge qui était le sien au moment des faits, changeant presque de ton de voix.

 Il ne s'agit pas de comédie, il s'agit simplement de constater une fois encore que chaque fois qu'on demande à une victime de reparler des faits qu'elle a subis, elle les vies une nouvelle fois.

J’ose espérer une fois encore que ces réminiscences ne seront pas vaines et que le juge  considérera qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre du grand-père pour qu'il soit traduit devant le tribunal correctionnel.

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 17:33

 

Une fois de plus, j'ai accompagné cet après-midi une toute jeune fille de 14 ans dans le cabinet d'un juge d'instruction.

Elle était convoquée pour y être confrontée avec ses deux présumés agresseurs.

 Elle est en effet collégienne et a expliqué qu'un après-midi, elle avait été invitée à suivre deux de ses camarades de collège, dont un pour lequel elle avait une certaine inclinaison.

Caroline fait partie  de ces jeunes filles qui ne savent pas véritablement dire non. Elle est particulièrement suggestible, et vit toujours dans l'inquiétude. Elle n'a évidemment pas vu le mal dans cette invitation et elle a suivi en toute confiance ces deux jeunes garçons.

Une fois qu'ils se sont retrouvés seuls aux abords du stade, ils ont abusé de cette jeune fille. Certes ils ne l'ont pas contrainte par la force, les mots ont suffi.

Comme ces jeunes gens niaient même le fait d'avoir été avec elle sur ces lieux, une confrontation était donc organisée chez le juge d'instruction.

Les deux jeunes ont, en quelque sorte, accordé leurs violons, et ont fini par expliquer qu'ils étaient bien présents sur les lieux et qu'ils avaient bien été avec Caroline aux abords du stade.

Mais, retournant la situation comme ils en ont l'habitude, ils ont indiqué que c'est en fait Caroline qui avait sollicité leurs faveurs, ce qu'ils avaient évidemment farouchement refusé.

Petit à petit, je voyais se dessiner dans le regard de Caroline le plus parfait désarroi.

 Elle n'est pas équipée pour supporter ni comprendre le mensonge. Comme je l'avais prévenu, elle a pu comprendre l'attitude qui devait être la sienne. Plus exactement, elle a réussi à soutenir ses déclarations et les accusations qu'elle portait à l'encontre de ces deux-là, malgré leur sourire goguenard et leur attitude particulièrement difficile à supporter.

Nous verrons bien ce que le juge d'instruction décidera dans le cadre de cette affaire où, une fois encore, c'est en quelque sorte la parole des uns contre la parole de l'autre.

Il faudrait se poser la question de savoir quelle souffrance représente pour une victime le fait de  dénoncer  ce qu'elle a subis pour mieux comprendre que même s'il s'agit de la parole de l'un contre la parole des autres, il existe manifestement une parole dont le poids de la souffrance la rend plus plausible, plus vraisemblable.

J'espère que Caroline ne fera pas partie de ces laissés-pour-compte par la justice qui, pour éviter  des dossiers trop compliqués, préfère prononcer des non-lieux.

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2 avril 2013 2 02 /04 /avril /2013 15:01

 

Sarah est une toute jeune fille puisqu'elle est née au mois d'août 2000.

Mais en fait elle est encore plus jeune que ça, puisqu'elle souffre d'un handicap qui lui fait accuser un retard, de sorte qu’elle a à l'esprit d'une petite fille de sept ans à peine.

Un jour, alors qu'elle était à l'école, elle a eu un entretien avec la psychologue de l'établissement. Cela arrive d'ailleurs régulièrement, de manière à lui rappeler notamment que son corps lui appartient et que personne n'a le droit de le toucher.

C'est à l'occasion de cette conversation qu'elle va expliquer que le fils de son parrain, qui a 18 ans, l’a fait jouer un jeu curieux la dernière fois qu'elle s'est rendu chez ce dernier.

Elle a expliqué à la psychologue qui lui avait fait jouer au jeu du goût. Il lui a bandé les yeux et lui a expliqué qu'il allait lui faire gouter quelque chose et qui lui appartenait de découvrir de quoi il s'agissait.

En fait il s'agissait d'un curieux stratagème pour ce faire pratiquer une fellation par cette petite fille.

Sa déposition devant  les services de police est particulièrement émouvante puisqu'elle démontre la totale incompréhension de Sarah par rapport aux faits qui lui ont été imposés.

Elle va expliquer qu'elle a parfaitement compris qu'il ne s'agissait pas d'une bouteille mais qui lui avait mis purement et simplement son zizi dans la bouche. Elle donnera des détails jusqu'à expliquer qu’il était sorti de son zizi un liquide blanc comme du shampooing et qui en avait l'amertume…

Curieusement, lorsque la psychologue de l'établissement va appeler la mère de Sarah, celle-ci se remémora une conversation qu'elle avait eue quelques semaines auparavant ou le fils de son parrain l'avait alerté sur le fait que Sarah lui avait demandé s'il pouvait voir son sexe.

Sur le moment, cette maman n'avait pas compris de quoi ce garçon voulait bien parler. C'est a posteriori qu'elle a compris qu'il avait en fait, et en quelque sorte, préparé le terrain au cas où Sarah viendrait à parler de ce qu'il lui avait imposé.

Ce fut d'ailleurs, pendant toute l’enquête, le système de défense employée par ce garçon. Il va nier la réalité des faits dénoncés par Sarah et va expliquer qu'en fait c'était elle qui avait été en demande, ce à quoi il n'avaitt évidemment pas répondu.

Cette affaire était jugée par le tribunal correctionnel le 7 mars dernier.

Sarah a absolument tenue à être présente à l'audience, même s'il ne s'y exprimera pas. Sa présence a cependant eu je pense une influence dans le cadre de cette affaire.

Cela a permis au président du tribunal correctionnel de mettre ce garçon face à ses contradictions et de lui demander s'il était capable d'envisager  que Sarah qui était présente sur l'audience ait pu raconter des mensonges, alors qu'elle n'était pas intellectuellement équipée pour cela.

Il a continué à nier et le tribunal a pris  cette attitude en considération. Il a en effet été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et en répression condamnée à deux ans d'emprisonnement ferme ce qui, au regard de la jurisprudence habituelle de ce tribunal, est une peine particulièrement élevée.

Le tribunal a en effet considéré que son attitude démontrait l'existence d'une certaine perversion qui signait sa dangerosité.

Lorsque le tribunal est revenu et a rendu sa décision, j'ai immédiatement regardé Sarah et le visage de cette dernière s'est illuminé.

Elle a parfaitement compris que le tribunal l'avait cru et qu'elle avait eu raison de se plaindre du comportement qu'elle avait subi.

L'espace d'un instant, Sarah était redevenue une personne à part entière.

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 14:43

 

lundi matin. 8:15. Je retrouve Magali au pied des marches de la cour d'assises de Colmar, frigorifiée, tendue, angoissée.

Je l'ai rencontré sur le plateau de toute une histoire il y a quelque temps où elle était venue  témoigner dans une émission dont le thème était : « j'ai été témoin d'un crime ».

Le 13 août 2010, elle était partie en balade avec son frère Anthony, chacun au guidon d'une moto. Il faisait beau, et Magali venait de finir de faire faire la révision de sa moto. Ils avaient tous les deux décidés de rentrer chez eux. Ils n'imaginaient pas qu'ils étaient sur le point de  croiser la route d'un fou au volant.

C'est volontairement que cet homme finira par percuter la moto conduite par Anthony, qui sera mortellement blessé.

Cet homme était renvoyé devant la cour d'assises de Colmar pour des faits de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Le procès était initialement et curieusement prévu sur quatre jours et dés notre arrivée, la présidente de la cour d'assises nous fait savoir que finalement, elle entend que ce dossier soit jugé en deux jours.

Le simple fait de me voir semble déjà un peu rassurer Magali.

 Il faut comprendre que lorsqu'une famille est touchée, c'est souvent un membre de cette famille qui va, en quelque sorte, être le porte-parole des autres, et subir toute la charge de la conduite de la procédure. C'est le cas de Magali.

Du fait de cette audience raccourcie, il me faut d'ores et déjà préparer Magali au fait qu'elle va être amenée à témoigner dans la journée. C'est un moment particulièrement difficile pour elle, car elle se remémore tous les jours ces images à jamais gravé dans sa mémoire qui consiste à revivre  les derniers instants de son frère.

L'audience commence, et rapidement, la présidente va interroger l'accusé. Après avoir étudié les éléments de sa personnalité, qui, sont particulièrement péjoratifs, elle aborde les faits.

Ce garçon est décrit par les psychologues et les psychiatres comme parfaitement intolérant à toute forme de frustration. C'est donc avec une certaine finesse que la présidente le  mettra face à ses contradictions sans jamais le heurter de sorte que l'audience  peut se poursuivre dans une certaine sérénité.

J'ai placé Magali juste à côté de moi alors que le reste de sa famille est au premier rang de la salle d'audience. Il m'a semblé qu'il était important pour elle d'avoir une place particulière puisque malheureusement, le sort lui en avait d'ores et déjà donné une pendant les faits.

 

Une fois énoncée la thèse totalement contredite par les éléments techniques de ce dossier de la part de l'accusé, c'est autour de Magali de se trouver à la barre de la cour d'assises pour témoigner.

Elle va réussir à expliquer, avec une extraordinaire dignité, et en détail, l'enchaînement des faits qui ont présidé à la mort de son frère.

Elle réussira même à répondre aux questions parfois très tendancieuses de l'avocat de la défense en restant maître d'elle-même, mais tout en prenant soin, à chaque réponse, de lui signifier son plus profond mépris.

Une fois que son témoignage était terminé, et que dans l'après-midi, l'expert en accidentologie était venu faire son exposé, qui corroborait en tout le témoignage de Magali, la messe était dite pour ce qui concerne le déroulement des faits.

L'audience se terminera bien tard, après avoir entendu le long témoignage du psychiatre et du psychologue  amenés à examiner la personnalité de l'accusé.

Le mardi matin, je retrouve Magali dans les mêmes conditions, toujours aussi frigorifiée, et peut-être un peu moins angoissée, au bas des marches de la cour d'assises. Cette fois, l'angoisse est partagée car je vais être amené à m'exprimer dans les intérêts de la famille de la victime dès la reprise d'audience.

J'expliquerai ce que signifie la perte d'un frère, d'un fils, d'un petit-fils, d'un oncle ou d'un parrain, puisqu'Anthony était tout cela à la fois.

Je ferai, dans ma plaidoirie, une place particulière à Magali car la relation qu'elle entretenait avec son frère était particulièrement forte. Lorsqu’Anthony nait, Magali a déjà à 15 ans et elle est en quelque sorte sa maman de substitution. C'est auprès d'elle qu'Anthony se confiait, c'est à elle qu’Anthony disait tout, peut-être plus qu'à sa véritable mère.

De plus Magali a eu l'infortune de cumuler à la fois son statut de sœur la plus proche d’Anthony mais aussi de témoin privilégié de son décès. Des images resteront à jamais gravées dans la mémoire de cette femme.

L'avocate générale prendra la parole après moi et proposera une peine de 10 années de réclusion criminelle pour des faits qu'elle a passé son temps à qualifier de crime en faisant comprendre à toutes les assemblées notamment aux jurés qu'il ne s'agissait pas d'un banal accident de la circulation.

L'avocat de l'accusé reprendra, curieusement, la thèse de son client quant aux faits, et s'arrêtera longuement sur le profil psychologique de ce dernier, précisant qu'il n'était pas totalement responsable de ses actes au moment des faits.

Après 2:00 de délibéré, la cour déclara l'accusé coupable de l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés en le condamnant à 10 ans de réclusion criminelle, telles que sollicités.

Il reste maintenant à Magali à reprendre le cours de sa vie, a tenter de vivre avec tous ces souvenirs, et faire en sorte que les derniers moments d'Anthony ne soient pas systématiquement présents à son esprit et que ce dernier permette aux souvenirs plus anciens et plus heureux d'émerger à nouveau.

J'ai signifié à Magali que je serai là pour elle tant qu'elle en aurait besoin car, comme vous le savez, ce qui m'importe, c'est que les gens qui croisent ma route aillent mieux. J'espère que  ce sera bientôt le cas de Magali.

Si j'ai intitulé cet article par son prénom et non pas par celui de son frère, c'est qu'il me semblait important que lui soit conféré la place primordiale qui a été la sienne tout au long de ce combat et de ce procès.

Je ne crains pas d'écrire quelle est la principale victime de cette affaire et qu'il convenait, en quelque sorte, de lui rendre hommage.

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 15:51

 

J'ai accompagné, la semaine dernière, une jeune fille qui était convoquée chez un juge d'instruction, ensuite de la plainte qu'elle avait déposée contre son père pour des faits de viol et d'agressions sexuelles.

Cette jeune fille est aujourd'hui âgée de 19 ans et a été violée par son père alors qu'elle avait entre six et 12 ans.

Depuis 1998, la loi prévoit que les auditions de victimes doivent être filmées. Le but de cette loi était d'éviter aux victimes d'avoir à systématiquement reparler de leurs histoires et de ce qu'elles avaient vécu devant les différents intervenants d'une procédure judiciaire.

Parce qu'après l'avoir révélé à un proche, il fallait l'expliquer aux gendarmes, puis à l'expert psychologue qui était désigné, puis éventuellement au médecin légiste chargé de vous examiner, puis encore au juge d'instruction chargée d'informer sur la plainte, de sorte que les victimes vivaient une souffrance extrême bien inutile.

Malgré l'existence de cette loi, aucun magistrat ne prend soin de visionner les enregistrements vidéo des plaintes déposées par les victimes et convoque systématiquement ces dernières pour les entendre une nouvelle fois.

On a l'habitude d'expliquer que lorsqu'une victime est amenée à expliquer ce qui lui est arrivé, elle le revit, de sorte que les auditions ravivent évidemment les souffrances qu'elle endure.

J'ai eu, une fois encore, l'occasion de le vérifier. L'audition de Mélissa été longue et pénible. À chaque fois qu'elle devait expliquer avec précision ce que son père lui avait fait, elle précédait ses propos de longs moments de silence, où l'on pouvait voir sur son visage la souffrance qu'elle vivait, car elle revivait tout simplement les scènes qu'elle devait décrire.

Dans la situation de Mélissa, c'était encore plus compliqué, dans la mesure où son père avait pris soin de systématiquement lui bander les yeux lorsqu'il l’agressait sexuellement.

À la question du juge  du juge d'instruction sur le point de savoir si elle avait été pénétrée par le sexe de son père ou par ses doigts, elle était dans l'incapacité d'y répondre, car elle ne pouvait pas voir ce que son père introduisait en elle.

Il est bien évident qu'il est nécessaire pour une victime de verbaliser sa souffrance. Mais il existe je pense une différence flagrante entre verbaliser et être obligé de répéter à l'envi les pires moments de son existence.

De plus, on peut imaginer le coût  que représente l'enregistrement vidéo des dépositions des victimes.

Finalement, et au jour où je rédige ce billet, ces dépenses sont parfaitement inutiles car depuis 1998, je pense avoir été amené à visionner une audition en cour d'assises d'une victime alors que j'ai malheureusement été amené à accompagner des dizaines d'entre elles.

Il serait bon que pour une fois les décisions prises par nos législateurs soient suivies d'effet et puissent concrètement permettre une amélioration du système.

Cette difficulté est tellement récurrente que je vais tenter d'interpeller le ministre de la justice sur ce point et je ne manquerai pas vous faire connaître son éventuelle réponse.

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 19:24

 

J'ai un peu tardé, et je m'en excuse, à vous rendre compte du verdict de ce dossier que j'ai plaidé devant la cour d'assises de Nîmes.

Les deux accusés ont été déclarés coupables des faits qui leur étaient reprochés mais cela ne nous avançait pas beaucoup puisque ces faits étaient reconnu.

Je vous rappelle qu'il avait été requis par Mme l'avocat générale 12 ans de réclusion criminelle contre mon client et huit ans contre l'autre accusé.

Mon client a finalement été condamné à 11 ans de réclusion criminelle, et l'autre accusé condamné à huit ans d'emprisonnement.

Entendre une peine de 11 ans prononcées à l'encontre d'un garçon qui vient à peine d'avoir 19 ans est pour moi choquant. Même si comme certains me l'ont écrit dans les commentaires qu’ils m'ont laissé sur le blog,  ils considèrent que même s'il n'est pas responsable de ce qu'il est devenu il doit être responsable de ses actes, il n'en reste pas moins qu'il doit payer pour ce qu'il a fait en considération de ce qui est habituellement prononcé comme sentence pour des faits qui sont parfois autrement plus graves.

Je m'explique :

Pendant toute la durée de cette audience, il a surtout été stigmatisé que mon client était intervenu dans un déchaînement de violence qui justifiait finalement à la fois sa comparution devant la cour d'assises mais aussi une peine exemplaire.

Or en fait il n'en est rien. Ce n'est pas les violences qui ont déterminé le caractère criminel des faits qui lui étaient reprochés mais simplement le fait qu'il était porteur d'une arme au moment où il est intervenu.

J'ai déjà eu des dossiers de violences volontaires ou par exemple un jeune homme qui avait refusé de donner une cigarette à un groupe de jeunes qui le lui demandaient s’est faits purement et simplement massacré. Il  a aujourd'hui un taux d'incapacité de 80 % après avoir subi une hémorragie cérébrale majeure ensuite des coûts qui lui avaient été portés.

Pourtant,  les auteurs ont été condamnés à des peines qui n'ont pas dépassé les trois ans d'emprisonnement.

Puisque l'on parle de vol à main armée et du fait que mon client est rentré avec une arme, il est important de savoir que cette arme n'était absolument pas approvisionnée, et que de surcroît il s'agissait d'une arme de défense c'est-à-dire  une arme qui ne fonctionne qu'avec des balles à blanc ou avec des balles à gaz.

Puisque le la cour d'assises est censée juger ce garçon sur les intentions qui étaient les siennes, force est de constater que lorsqu'on rentre dans un commerce une arme à la main alors que l'on sait que cette arme est vide et inoffensive on n’a évidemment pas la même intention que si on rentre dans ce commerce avec une arme létale et chargée.

C'est la raison pour laquelle il nous a semblé mon confrère et moi-même indispensable de faire appel de cette décision pour que ces jeunes gens soient rejugés dans des conditions peut-être un peu plus objectives.

Encore une fois il ne s'agit pas d'excuser quelque comportement que ce soit mais de faire en sorte que ces deux jeunes soient jugés pour ce qu'ils ont fait  et non pas pour ce qui aurait pu se passer.

Je vous tiendrai évidemment informé  lorsque que ce dossier sera appelé devant la cour d'assises d'appel.

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 16:22

Je vous avais parlé, dans un article précédent, d'un jeune homme que je devais défendre devant la Cour d'Assises des mineurs du gard, les 7 et 8 février.

 

Il lui était reproché d'avoir commis un vol avec arme, accompagné de son cousin, d'une épicerie de nuit à Ales.

 

Je vous avais expliqué le parcours de ce garçon, dont le père avait été tué par les policiers, alors qu'il cambriolait une maison. Sofian avait 3 mois.

Sa mère ne supportant plus le visage de cet enfant qui ressemblait tant à son père, avait préféré le faire placer, et il avait ainsi été brinquebalé de foyer en famille d'accueil de l'âge de 3 mois à 14 ans.

 

Il avait commencé à commettre des délits et avait même été incarcéré quelques mois.

Pendant son incarcération, sa mère avait eu  une relation intime avec le meilleur ami de Sofian...

 

C'est quelques jours après sa sortie de détention qu'il avait commis les faits pour lesquels il était jugé depuis hier.

L'audience m'a appris qu'en plus de tout cela, le père de Sofian était accompagné du père de son co accusé lorsqu'il avait été tué.

 

Ce matin, l'avocate générale a requis contre Sofian une peine de 12 ans de réclusion criminelle, et a demandé 8 ans contre son co accusé.

 

J'ai plaidé cet après midi, et , à l'heure ou je rédige ce billet, nous sommes dans l'attente du verdict, la cour étant partie délibérer depuis 1h30.

 

J'ai essayé de faire partager à la Cour le sentiment de gâchis incroyable que m'a inspiré cette histoire.

 

Comment rendre cet enfant responsable du parcours catastrophique de vie qui a été le sien ?

 

Qu'auriez vous fait de votre vie si vous aviez eu les mêmes circonstances que lui ?

 

L'accusation a parlé de choix délibéré de délinquance!!!

 

J'étais ulcéré, mais j'ai préféré rester sur tout ce qui avait pu lui manquer.

 

J'ai dit que ce matin, j'avais pris un peu plus de temps qu'à accoutumée pour réveiller mes enfants et leur dire à quel point je les aimais et que j'étais fier d'eux.

J'ai fait remarquer à la Cour et aux jurés que ces mots n'avaient vraisemblablement jamais été entendu par Sofian.

 

Comme chaque fois à ces moments là, j'ai peur. Peur de n'avoir pas su faire comprendre à ces gens, peur de n'avoir pas dit ce qu'il fallait pour les convaincre.

 

Je vous dirais demain à quelle sauce ces deux là ont été mangés.

 

J'ai fini de plaider en disant que l'avocate générale leur avait livré mon client, mais que pour ce qui me concernait, je le leur confiais...

 

 

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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 17:22

Aprés l'émission diffusée sur france2, nous restons quelques minutes sur internet.

Je vous laisse découvrir cette intervention qui, je l'espère, aidera nombre d'entre vous

 

http://toute-une-histoire.france2.fr/?page=emission&emission=40578&type_video=bonus

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 16:45

 

Il y a quelques années, j'ai reçu  la visite d'une dame d'un certain âge, effondrée, expliquant qu'elle venait d'être condamnée pour abus de faiblesse sur la personne de son voisin.

Elle m'expliquait qu'en fait ce voisin, sans enfant, à la mort de son épouse, s'était retrouvé seul. Elle avait sympathisé avec ce dernier et l'avait pris en affection de sorte qu'elle s'occupait de lui au quotidien.

Cet homme avait un frère qui ne s'était jamais préoccupé de son sort.

Il avait alors décidé d'avantager ma cliente en l’instituant légataire universel et en lui faisant donation de la maison dans laquelle il habitait.

Cet homme, à la demande de son frère, avait été placé sous tutelle et le tuteur avait initié une plainte pour abus de faiblesse, considérant qu'il était tout à fait anormal que son protégé soit aussi généreux vis-à-vis de cette personne.

Curieusement, lors de l'audience pénale, le tuteur  s'était fait donner acte de sa constitution de partie civile mais n'avait rien réclamé.

Entre-temps le vieux monsieur était décédé et  son frère avait donc, en qualité d'héritier, initié une procédure contre ma cliente pour voir d'une part annuler le testament qui l’instituait légataire universel et la donation dont elle avait bénéficié, mais aussi de lui réclamer la bagatelle d'un million d'euros ce qui correspondait selon lui au préjudice  subi.

En première instance, le tribunal de Tarascon, faisant droit à une partie de mon argumentation déclarait prescrite la demande faite en annulation du testament et de la donation, faute d'avoir été initiée dans les délais que la loi prévoit, mais avait condamné  cette vieille dame à régler au frère  la somme d'un million d'euros !

Nous avons fait appel de cette décision et j'ai plaidé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Dans la mesure où mon adversaire n'avait pas fait appel incident de la partie de la décision rendue par le tribunal de Tarascon qui avait définitivement jugé qu'il était prescrit pour réclamer l'annulation du testament, force est de constater que ma cliente était seule héritière puisque légataire universel.

C'est ce que la cour d'appel a constaté, déclarant irrecevable l’intervention du frère n'ayant en aucun cas qualité pour agir.

Dans la mesure où je suis intimement convaincu que cette femme n'a jamais abusé de la faiblesse de ce vieux monsieur, je ne peux que me féliciter de cette décision qui fait que finalement, même si elle a été condamnée pour abus de faiblesse, n'en subi aucune conséquence.

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 15:01

 

Permettez-moi de vous raconter l'histoire de cette jeune fille, aujourd'hui âgée de 11 ans, et qui a été victime de l'un des fils du compagnon de sa mère alors qu'elle était âgée de six ans et demi.

Ce garçon, qui était de 12 ans son aîné, l’a contrainte à lui pratiquer des masturbations et des fellations sur une période de plus de deux années.

Alors qu'elle avait huit ans, et n'y tenant plus, elle se confiait à sa meilleure amie qui était un peu plus âgé qu'elle. Cette dernière lui conseillait bien évidemment d'en parler à sa mère, ce qui fut fait.

La réaction de la mère a été immédiate. Elle est allée déposer plainte accompagnée de sa fille pour les faits que cette dernière avait subi.

Alors que les parents étaient sous le coup de telle révélation, il leur a immédiatement été demandé s'ils acceptaient la correctionnalisation de leur procédure.

Ne sachant trop de quoi il s'agissait, ils avaient dans un premier temps indiqué qu'ils n'y étaient pas opposés.

Une instruction était ouverte  pour des faits d'agression sexuelle. C'est à ce moment que ces gens sont venus me trouver pour que j’assure la défense de leurs intérêts.

Je leur expliquai immédiatement ce que signifiait le terme de correctionnalisation et les conséquences que cela avait sur le plan de la procédure qui s'en suivrait. Ils étaient totalement éberlués car rien de tout ça n'avait pu leur être expliqué. C'est dans ces conditions que  je recevais de leur part  la mission de contester le caractère délictuel des faits subis par leur fille et de solliciter leur qualification criminelle.

Malgré de multiples courriers de moi-même et des parent directement au magistrat instructeur, ce dernier a maintenu le caractère correctionnel des faits et a rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Comme la loi le permet, nous avons fait appel de cette décision et la chambre de l'instruction, suivant en cela d'ailleurs la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, a constaté que les faits étaient de nature criminelle et a donc renvoyé la cause et les parties devant un juge d'instruction du pôle criminel d'Avignon.

La décision de la Chambre de l'instruction est intervenue au mois de janvier 2012.

Ce n'est qu'un an plus tard, qu’Emma était à nouveau convoquée devant ce nouveau juge d'instruction pour que l'affaire puisse suivre son cours.

Le renvoi  du mis en cause devant la cour d'assises ne fait aucun doute.

Lorsqu'Emma m'explique qu'à son sens on a perdu énormément de temps  dans cette affaire, je ne peux qu’abonder dans son sens.

Du haut de ses 11 ans, elle ne comprend pas un qu'on ait pu si longtemps la laisser dans l'incertitude du sort qui serait donné à sa plainte.

J'ai déjà eu l'occasion d'écrire ce que je pensais sur les correctionnalisations.

Encore, lorsque que le fait est unique et isolé,  on peut imaginer que la correctionnalisation permet un traitement rapide de l'infraction et par voie de conséquence un soulagement pour la victime dans des délais relativement brefs.

Mais lorsque les faits ont été multiples et perpétrés sur de  nombreux mois, il est impensable d'envisager  un tel choix procédural.

Émma n’a d'ailleurs pas compris qu'on ait pu envisager de traiter cette affaire devant le tribunal correctionnel alors qu’elle a parfaitement saisi que les faits qu'elle avait subi étaient des crimes qui relevaient donc de la cour d'assises.

En attendant, personne n'y a gagné.

Emma doit encore attendre pour que son sort soit judiciairement scellé. Il en est d'ailleurs de même pour l'accusé qui a lui aussi le droit de voir son affaire traitée dans des délais raisonnables.

Il existait pourtant plusieurs possibilités pour que le premier juge saisi se dessaisisse tout simplement au profit du juge d'instruction qui était en mesure d'enquêter sur une affaire criminelle. Pourtant il aura fallu aller jusqu'au bout  des recours pour qu’Emma obtienne finalement gain de cause.

Au moment où l'on parle tous des difficultés financières de notre système judiciaire, on comprend mal qu'il ait fallu dépenser tant de temps et d'argent pour arriver finalement à une situation que l'on connaissait depuis le départ de cette procédure.

La justice n'y a pas gagné grand-chose non plus.

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